Marque d'élégance

Elle ne se sentit plus de joie lorsqu'elle sut qu'enfin elle allait pouvoir pénétrer dans le salon d'attente. Depuis des mois, elle languissait dans un réduit, si proche, pourtant, de l'endroit vers lequel tous ses rêves la portaient. Ses compagnes revenaient fraîches et pimpantes, racontant les moulures, les livres prestigieux et les tableaux. Son espoir de les voir un jour s'amenuisait autant que sa tristesse augmentait.

Quand une main l'agrippa ce jour-là, elle dormait encore. La veille, les histoires de l'extérieur l'avaient ravie une fois de plus. Le liquide chaud qu'on lui versait acheva de la réveiller. Ainsi parfumée et parée de ses plus beaux atours, on la fit entrer. Ah, que c'était beau ! La fenêtre ornée de motifs Art déco, la malle en bois, les livres reliés, que de jolies choses ! Bientôt, elle sentit le contact d'une nouvelle peau. Des lèvres. 

A son retour dans le placard, ses rêves s'étaient évanouis. Marquée d'une tache qui semblait indélébile, un épais trait rouge strié de fines lignes blanches que la machine n'avait pas réussi à effacer, elle avait été transportée en un éclair, de l'élégance à la vulgarité.