Le garçon de café
La serviette blanche vient de tomber. Il grogne. Cela fait plus de vingt ans qu'il grogne. Tous les jours, sans exception.
Jeune, il souriait quand il allait boire des coups avec ses amis. Il se moquait de ces garçons de café qui se préoccupaient d'accorder l'expression de leur visage à l'aspect lugubre de leur tenue.
Aujourd'hui, c'est lui qui s'attache à porter mauvaise figure. Il faut dire que les clients lui facilitent le boulot ! Ils ne sont jamais contents : "Je peux changer mon schweppes contre un coca? " "J'avais demandé mon steak à point et il est saignant." Chaque jour apporte son lot de réclamations. Parfois, pourtant, il rit sous cape: aux premières loges de conversations privées, il en entend des vertes et des pas mûres. De drôles d'histoires, de tristes récits, de faux débats, de réelles disputes... Mais il se doit de rester discret et continue à maugréer. Après tout, il travaille non loin de Montmartre et les garçons parisiens ont une réputation à tenir !